“Bah ! À l’île d’Yeu !”

Mis à jour le 20.06.25

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Grand Angle : La singularité de la vie d’une jeunesse islaise.

Le départ est à 9h pétantes au port de Fromentine. Un seul embarquement une heure plus tard puis un dernier en fin de journée permet de rejoindre l’île d’Yeu en ce mois de mai, entre 30 et 70 minutes selon le bateau, au large des côtes vendéennes. La cadence augmente au fil de la saison estivale, jusqu’à six par jour, mais toujours imposée par les horaires de marée haute. Seule alternative, un hélicoptère aux rotations pluriquotidiennes concourant entre autres aux livraisons postales ou aux transferts d’urgences hospitalières. Cette île du Ponant, baignée par l’Atlantique, est la plus éloignée du continent après la Corse et ne bénéficie donc pas de pont comme Ré ou Oléron. Cet isolement donne une dimension particulière à la vie sur cette terre de 23 km2 constituée d’une seule commune.

Dès le débarcadère franchi, le contraste entre le bleu intense de l’océan et le blanc des maisons est saisissant. Porte d’entrée de l’île, Port Joinville aligne les façades blanchies à la chaux et aux portes et volets colorés traditionnellement à la peinture vive des bateaux. Le petit port accueille embarcations de pêche et de plaisance, ces dernières débordant quand vient l’été et sa foule de touristes. La commune passe alors d’environ 5 000 habitant·es à 35 000. Un contraste économique et culturel qui détermine deux populations se côtoyant peu.

En attendant cette folle saison, la quiétude résiste aux quelques bruits de moteurs automobiles qui font exception. Ce sont les vélos qui s’alignent à l’entrée de l’école du Ponant. « Ici, les enfants sont rapidement autonomes et débrouillards : la clé de la maison, un vélo et c’est parti ! », témoigne Delphine, mère d’une élève.

AU RYTHME DES SAISONS...

« Pour savoir si on aime l’île d’Yeu, il faut passer l’hiver, c’est là que la sensation d’être sur une île est patente », estime Virginie Arnaud, enseignante et directrice de l’école du Ponant, seule école publique de l’île accueillant 195 élèves. Nicolas Porteau confirme. Ce remplaçant de l’école explique : « Nombre de maisons sont fermées, l’isolement n’est pas compensé par la voiture comme en milieu rural, tout est dépendant du peu de bateaux, de leur coût [ndlr environ 50€ l’aller-retour]… Les copains du continent ne viennent pas. »

Pour la plupart des quinze PE de l’école, le printemps est la saison où il fait bon vivre avec « un temps qui s’écoule tranquillement », approuve Virginie. « Pas de shopping dans les boutiques mais des promenades, un verre avec les connaissances… un rythme humain de village de bord de mer. » Une impression partagée par la très grande majorité des 115 élèves du collège public attenant qui témoignent d’un bien-être et du plaisir simple d’aller à la plage avec les copains et copines après la classe.

“ L’envie de partir est souvent liée à l’envie de revenir”

Ce bonheur de vivre, c’est un sentiment d’appartenance fort au territoire. Virginie rapporte cette parole d’enfant à qui l’on demandait dans quel pays il habitait : « Bah ! À l’Île d’Yeu ! ». Pas étonnant dès lors que seulement 50% des collégiens et collègiennes s’orientent en seconde générale (69% nationalement). Il n’y a pas de lycée sur l’île. Pour les études secondaires, l’internat sur le continent est incontournable. Carole Charuau, maire de l’Île d’Yeu, note « un mélange d’envie et d’anxiété des familles et une difficulté renforcée par la fermeture le dimanche soir de l’internat public obligeant un lever aux aurores le lundi et ne permettant pas forcément une arrivée à l’heure sur le continent ».

« Le choix est d’abord de rester sur l’île », explique Stéphane Serru, principal du collège public des Sicardières. « En fin de troisième les élèves priorisent un bac pro en alternance pour bénéficier des stages sur l’île. Cela nous amène à travailler sur l’objectif d’un haut niveau de qualification quoi qu’il en soit et de dégager un budget important sur la mobilité, préparer la scolarité en internat, visiter les universités… ». Pour Virginie, « l’envie de partir est souvent liée à l’envie de revenir. »

... ET DES MARÉES

L’édile veille à un accès à la culture pour ouvrir ces jeunes citoyens et citoyennes au monde. La commune, aux côtés de nombreux équipements sportifs et d’activités extrascolaires variées, compte un cinéma ou un pôle culturel tout juste inauguré. À l’école comme au collège, les classes bénéficient de projets, parcours culturels et voyages scolaires réguliers. Mais si les traversées sont gratuites pour les élèves, l’organisation reste singulière. Les horaires débordent du temps scolaire et demandent un investissement des équipes éducatives comme des bénévoles. Des contraintes de logistique et de temps qui se retrouvent dans nombre d’activités : les rencontres sportives, les soins particuliers, les formations continues… doivent se penser à la journée complète. Quand ce ne sont pas les tempêtes qui s’en mêlent !

Entre les élèves coincés le soir sur le continent ou les denrées alimentaires qui ne peuvent être livrées faute de traversée, l’isolement implique de réelles capacités d’adaptation « qui ne rentrent pas dans les cases administratives » en sourit la directrice de l’école. Il en est de même entre les établissements publics et celui du privé : ici le collège public fait à manger pour tous les élèves du primaire et du secondaire. Il n’y a pas d’autres choix que de s'accommoder. « Il n’y a qu’une seule école publique, il faut faire avec et donc dépasser les conflits que l’on ne peut esquiver », explique encore la directrice relevant par ailleurs le dynamisme de son équipe. De même, comme il n’y a pas de structures médico-sociales, l’inclusion se fait depuis toujours entièrement à l’école. « Le plus marquant, en particulier pour les enfants, c’est que tout le monde se connaît », souligne Delphine. Une communauté resserrée que confirment tous les protagonistes. Un incontournable vivre ensemble.

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