L'inclusion en action

Mis à jour le 23.05.25

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Reportage au coeur d'un dispositif d'autorégulation en Gironde

Équipe pluriprofessionnelle, formations, temps pour collaborer… l’école de la Gorp d’Ambarès-et-Lagrave en Gironde expérimente avec satisfaction le dispositif d’autorégulation.

« Maël*, je te félicite, tu as repris l’expression de la peur bleue qui fait battre le cœur et s’entrechoquer les genoux, tu as bien fait penser tes personnages. Tu as très bien tenu l’histoire ». C’est l’heure du bilan pour Mélisa Meunier, enseignante surnuméraire au sein du dispositif d’autorégulation (DAR) intégré et mené en partenariat avec l’Apajh 33** depuis trois ans à l’école de la Gorp d’Ambarès-et-Lagrave (Gironde). Elle anime un atelier de langage oral pour un petit groupe de CE1. « Et moi ? », s’impatiente Ezio. Guillaume, lui, prend conscience en souriant de ses erreurs et de ses progrès. « Tu te souviens mieux de l’histoire, lui explique Mélisa. Au début, tu étais un peu perdu, tu faisais des confusions ». Elle passe ensuite à Ezio qui a réussi à attendre son tour. Présentant des troubles du spectre de l’autisme (TSA), il a des difficultés à “inhiber” ses comportements, c’est-à-dire à ne pas agir sous l’impulsion, mais aussi à “initier” une tâche. « Tu as bien mis les intentions et les émotions, lui explique l’enseignante, mais tu as encore eu besoin de mon aide pour te lancer, il faut encore s’entraîner à raconter ».

Mélisa note toutes ses observations. « Il est important d’expliciter à l’élève les attendus, les erreurs mais surtout de mettre en avant les réussites ». Les objectifs des ateliers ont été définis en amont en équipe avec l’enseignante de la classe mais aussi avec la psychologue du dispositif, Mahina Ibanez-Pic. Cette dernière, formée à l’analyse appliquée des comportements, apporte son éclairage sur les stratégies à mettre en place pour que les comportements des élèves ayant des troubles du neuro-développement (TND) ne soient pas « un frein dans leurs apprentissages ». Par exemple, un système de feux vert et rouge aide Julien en CP à repérer les phases d’écoute lors d’explications et les phases de travail en autonomie.

CLASSES OUVERTES

En plus de ces deux professionnelles, Jessica Fichet, enseignante de CM1, apprécie particulièrement la présence de Kinjala Atchy, ergothérapeute, lors des séances de géométrie en classe. Si elle vient aider particulièrement Andde, récemment diagnostiqué TSA, elle n’hésite pas à accompagner d’autres élèves de la classe qui ont des difficultés à adapter leurs gestes. « C’est complémentaire, souligne l’enseignante. Kinjala est experte dans son domaine et je peux lui demander conseil ». Un temps d’échange est d’ailleurs pris pour chercher des solutions à deux à l’issue de la séance.

Deux aides médico-psychologiques, Céline Leclerc et Marion Bielle, ainsi qu’un éducateur spécialisé, Emmanuel Clerempuy, interviennent aussi auprès des élèves dans et hors la classe. Il et elles mettent en place ou consolident les outils de gestion des émotions et de régulation du comportement préconisés. « La porte des classes est toujours ouverte, explique Céline. Les enseignants savent que nous venons pour les élèves. Nous ne connaissons pas leur métier et ne jugeons pas leurs pratiques comme eux ne jugent pas notre travail ». Une relation de confiance, une complémentarité et un respect mutuel qui permettent la réussite du dispositif d’inclusion.

Cet éducateur et ces éducatrices suivent également les progressions grâce à des “grilles de cotations” établies par Mahina, la psychologue. « L’objectif est que les élèves gagnent en autonomie dans leurs apprentissages », énonce-t-elle. Un des axes de travail consiste aussi à faire « monter en compétences tous les professionnels », personnels enseignant, médico-social, périscolaire et AESH. La configuration la plus à même de réussir l’inclusion assortie d’une formation adéquate.

SUR TOUS LES TEMPS DE L’ENFANT

En outre, les personnels médico-sociaux ont un lien permanent avec les familles pour être au plus près des besoins de l’enfant, allant parfois à leur domicile. « Nous avons des échanges chaque jour, relate le père de Liam, et l’éducateur l’accompagne par exemple à certains de ses rendez-vous extérieurs ».

Tout un travail d’équipe qui porte ses fruits. Isaac, élève atteint de TSA en CE2, s’applique à répondre aux objectifs fixés sur sa liste établie par Charline Peret, son enseignante. Il sait qu’une fois qu’ils seront atteints, il pourra dessiner pendant dix minutes, c’est écrit. Si désormais, tout se passe bien en classe, Charline se souvient d’un début d’année ponctué de crises. « On ne comprenait pas car les outils mis en place fonctionnaient dans le dispositif mais pas en classe », soutient Mélisa. Après des concertations sur le temps de classe avec Charline, l’équipe comprend qu’Isaac n’a pas créé de lien avec sa nouvelle enseignante. « Tous les vendredis, Mélisa prend ma classe pendant que je me rends avec Isaac dans la salle du DAR pour un temps d’apprentissage ludique en duo », explique l’enseignante. « Un pairing nécessaire qui leur a permis de tisser des liens de confiance », complète Mahina, la psychologue.

Ce travail de longue haleine, « je le craignais chronophage mais cela n’a pas été le cas », affirme Elodie Bellemon, enseignante de CE1. Cela a même permis à certains élèves, comme Liam, de participer au voyage scolaire de printemps incluant une nuitée.

* Les prénoms des enfants ont été modifiés.
** Association pour adultes et jeunes handicapés.

Focus : Qu'est-ce qu'un DAR ?

Le premier dispositif d’autorégulation (DAR) se met en place dans une école primaire de Corrèze en 2016. Originaire du Canada et basé sur les recherches en neurosciences, le DAR est un dispositif éducatif axé sur la réduction des comportements problématiques des élèves autistes et le développement progressif de leur autonomie dans les apprentissages. L’objectif est de permettre aux élèves ayant des troubles autistiques de continuer leurs apprentissages en classe tout en bénéficiant d'une attention et d'une réponse adaptée à leurs besoins. Depuis 2024, ce dispositif est élargi à l’ensemble des élèves ayant des troubles du neurodéveloppement.

Pour la FSU-SNUipp, des garde-fous s’imposent. Pour que les promesses d'inclusion ne se transforment pas en souffrance, la mise en oeuvre des DAR nécessite locaux, personnels, temps de formation, de coordination… L’inter-métiers étant central dans ce dispositif, il est indispensable que les professionnels se posent en pairs au sein d’un collectif de travail. Par ailleurs, il faut veiller à ce que les PE ne se retrouvent pas dessaisis de leur professionnalité dès lors qu’un diagnostic est posé.

Interview de Leslie Amiot

LESLIE AMIOT est maître de conférences en psychologie et éducation (université de Limoges)

Leslie Amiot

QUELS BÉNÉFICES OBSERVÉS DANS LES DAR* ÉVALUÉS ?

Les élèves autistes trouvent leur place en classe. Mes recherches ont débuté sur trois DAR de Nouvelle Aquitaine dès 2017, puis se sont élargies sur 12 autres au niveau national dans le cadre du projet “DARautiscol”. Les DAR doivent suivre le cahier des charges national décliné localement. Les évaluations menées montrent que le dispositif a été bénéfique aussi pour d’autres élèves rencontrant des difficultés similaires, notamment en termes de mémoire, de flexibilité et d’attention. Par ailleurs, les professionnels, tant enseignants que médico-sociaux, se complètent et montent en compétence par l’inter-métier. Cela renforce leur sentiment d’efficacité.

QUELLES LIMITES ?

Les expérimentations de DAR ne sont pas menées de la même manière et dépendent des moyens mis en place par l’académie mais aussi le médico-social. Certaines écoles ne sont pas volontaires ou n’ont pas d’équipe assez stable. Par ailleurs, la qualité de la formation dépend de l’association qui soutient le dispositif. Nous observons que l’expertise des enseignants spécialisés est un plus non négligeable lorsqu’ils occupent le poste surnuméraire du DAR. Le dispositif nécessite des moyens humains importants au quotidien. La collaboration entre les personnels médico-sociaux et les enseignants ne serait pas aussi efficiente en dehors de l’école. Le DAR fonctionne s’il est au plus proche des élèves.

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