La classe...un espace hors menace

Mis à jour le 27.09.24

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Itv de Sylvain Connac enseignant chercheur en sciences de l'éducation

Sylvain Connac est enseignant chercheur en sciences de l’éducation à l'université Paul Valéry de Montpellier.

FsC 500 Débat Sylvain Connac©Millerand_NAJA

Quelle place tient le débat dans une démocratie ? 

Je parlerais de discussion, exercice de base de la démocratie. Le débat est un lieu où l’on s’oppose par principe alors que la discussion consiste à ce que chacun puisse donner son idée par rapport à un thème de manière à ce qu’il y ait une confrontation de subjectivité pour arriver par la discussion à s’entendre et à se reconnaître. On a tendance à penser que la démocratie, c’est donner la possibilité à chaque citoyen de pouvoir voter alors qu’historiquement, c’est la possibilité de pouvoir participer aux instances de délibération des lois. Le vote impose les idées de la majorité à toutes les minorités alors que les espaces de discussion démocratique donnent un égal accès à la parole pour tous les membres, croisent les avis des uns et des autres selon leur point de vue pour aboutir à un consentement mutuel. Dans la société, nous sommes obligés parfois de passer par le vote. À l’école, dans la classe – sociétés plus réduites –, l’exercice de la démocratie est plus facile, notamment au travers de discussions démocratiques et philosophiques dont le principe est qu’il n’y a pas de décision à prendre.

Quel est le rôle de l'école ? 

L’école a un rôle fondamental d’éducation à cette conception-là de la démocratie. C’est parce que l’enfant vit des situations d’exercice de la démocratie qu’il va pouvoir devenir un citoyen démocrate à l’âge adulte. Plus on fait vivre aux élèves, non pas la pratique du vote mais la pratique de la discussion, plus on se donne de chances de former les futurs citoyens à la pratique citoyenne de la discussion. Il y a des enjeux très forts aujourd’hui de concevoir la démocratie comme un espace de discussion sécurisé et non pas uniquement comme un rendez-vous pour participer à un scrutin. Chaque enseignant avec ses élèves, dans sa discipline, dans son contexte, de manière lente, progressive, avec des avancées et des reculs, va apprendre à ses élèves l’exercice de la démocratie. C’est un apprentissage lent, contre nature et souvent défini comme un sport de combat car il faut lutter contre les arguments du type « cela ne sert à rien de discuter » ou « il faut parer au plus pressé ». Des arguments qui s’appuient sur la pulsion ou sur l’avis de celui qui a le plus de charisme. 

Quels sont les freins à la discussion démocratique ?  

Plusieurs dérives dans les conseils coopératifs d’élèves ont été identifiées. La dérive démagogique où la parole est donnée aux enfants leur laissant croire que leur avis va importer dans la prise de décision alors que l’adulte a déjà décidé à leur place. Pour éviter ce biais, il faut séparer ce qui peut faire l’objet d’une décision par ou avec des enfants de ce qui ne peut être décidé que par des adultes. Éviter également la dérive psychosociale où sous couvert de démocratie, il n’est pas fait attention à qui prend la parole. Les élèves les plus réservés, les moins populaires ont alors du mal à pouvoir donner leur avis. Donner, par exemple, comme consigne « 30 secondes où chacun réfléchit avant de donner son avis » permet que tous aient la possibilité de se construire une idée avant de discuter. Un autre écueil est la dérive démocratique qui consiste à toujours voter pour prendre une décision. Pour l’éviter, on peut s’appuyer sur la recherche du consentement mutuel. Lorsque l’on n’y arrive pas, la modalité, qui permet de sortir de cette difficulté, est de poser la question « Qui est contre ? ». Si personne n’est contre, on est arrivé à un consentement mutuel. Si des désaccords persistent, la solution la moins problématique est le tirage au sort, décision non prise par la personne la plus influente. Mais cette solution ne doit être utilisée qu’à titre exceptionnel.

Discuter démocratiquement, un mode d'apprentissage ?  

Apprendre la démocratie a des incidences directes sur l’ensemble des apprentissages. Le psychologue Jacques Lévine disait que l’espace de discussion démocratique permet de faire de la classe un espace hors menace. Il aide à sécuriser les relations dans le groupe, notamment à ce que les élèves soient convaincus que dans la classe, ils peuvent avoir confiance en leurs copains et copines. S’ils se trompent, s’ils montrent quelque chose de l’ordre de la vulnérabilité, personne ne va venir se moquer. Cette idée est essentielle dans le rapport aux apprentissages car apprendre, c’est prendre des risques, accepter de se tromper. Dans les classes où il n’y a pas ce sentiment de sécurité, des enfants préfèrent éviter d’essayer d’apprendre ou vont rester sur la réserve plutôt que de prendre le risque qu’on se moque d’eux. Ce sentiment de confiance dans les autres est valable pour tous les temps de classe. L’exercice de la démocratie dès la maternelle s’avère être une condition nécessaire pour créer le lien entre enseignement et apprentissages. 

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