“Souligner l’importance de la prévention et de l’éducatif”

Mis à jour le 20.06.25

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Interview d'Eric Debarbieux

Eric Debarbieux est professeur émérite à l’Université de Paris-Est Créteil et ancien délégué ministériel à la prévention de la violence en milieu scolaire. Auteur de “Zéro pointé? une histoire politique de la violence à l’école”, Ed Les liens qui libèrent, 2025.

Eric debarbieux

EN QUOI CONSISTE LA VIOLENCE À L’ÉCOLE ?

C’est une question résolue par la recherche internationale. La violence paroxystique d'intrusion contre laquelle il faudrait protéger l’école est très rare, 3% à 5% des faits tout au plus. Il ne s’agit évidemment pas de les négliger et la formation à la gestion de crise est nécessaire. Mais la violence en milieu scolaire relève de micro-violences fréquentes - insultes, bousculades, coups – mais aussi d’ostracisme et de mise à l’écart, difficiles à supporter.

Pris isolément, il s’agit de faits mineurs. Mais la répétition de ces micro violences peut avoir de graves conséquences sur la scolarité ou la santé des victimes. Elles ne sont donc pas à minimiser. Ces violences prennent de plus en plus un caractère idéologique, raciste, homophobe ou LGBTphobe. Y compris chez les élèves du primaire, influencés par leur environnement et les réseaux sociaux. On observe également une montée des tensions entre adultes, au sein de l’équipe ou avec les familles, dans un contexte où dominent sentiments de mépris par la haute hiérarchie et d’abandon dans la mise en œuvre de l’école inclusive.

LUTTER CONTRE LE HARCÈLEMENT, UN TOURNANT ?

Des milliers d’articles scientifiques ont documenté les conséquences du harcèlement : maladie psychosomatique, mal-être, échec et décrochage scolaire, dépression, voire risque élevé de suicidalité. On ne peut faire l’impasse sur un phénomène qui touche entre 6%et 10% des élèves, y compris au primaire. L’intérêt porté aux victimes a constitué historiquement un changement de paradigme.

Les enquêtes de victimation ont montré l’ampleur des micro violences répétées et disqualifié les discours sur la sanctuarisation de l’école contre un environnement menaçant. Cela a permis de souligner l'importance de la prévention et de l’éducatif par rapport aux solutions seulement techniques ou répressives. L’Unesco suggère également que le harcèlement est une discrimination motivée par des normes alimentées par le contexte social. Un projet de société fondé sur le refus de l’autre ne peut que générer de la violence à l’école.

DES POLITIQUES PUBLIQUES INOPÉRANTES ?

E.D. : La lutte contre la violence est une problématique électoralement rentable, les politiques aiment s’en saisir. Mais les effets d’annonce ne sont pas gages d’efficacité. Surtout quand en réaction à un drame, des mesures démagogiques sont avancées : pénaliser, réprimer, encadrer les fauteurs de trouble dans des internats. Or, l’inflation punitive nourrit l’opposition, le fait de « faire bande contre » et amplifie la violence, en particulier sexiste.

Trop souvent, l’action publique a été marquée par des discontinuités, du bricolage ou elle a reposé sur des personnels précaires, oubliés du jour au lendemain. Enfin, le recours à un programme présumé miracle est illusoire. Les meilleures méthodes règlent 15 à 20% des situations et non 80%, comme il est parfois affi rmé par leurs promoteurs. Il est préférable d’outiller les personnels avec des ressources diverses. L’essentiel est que les équipes se mobilisent, pas uniquement autour du dispositif venu d’un autre contexte et qui fait écran aux impasses politiques.

QUELLES PISTES FRUCTUEUSES ?

Selon la recherche, une politique globale de climat scolaire est nécessaire pour peser sur des facteurs qui relèvent d’une prévention indirecte et qui pense à long terme la gestion du court terme. La convivialité au sein du collectif des adultes est en soi une prévention, tout comme la qualité de l’accueil des parents d’élèves, surtout en primaire.

Il faut agir pour augmenter la qualité du vivre ensemble par des interventions pédagogiques qui renforcent le sentiment d'appartenance à l’école. Et ainsi briser la solitude éprouvée par les victimes. Loin d’être naturelle et individuelle, l'autorité, qu’on prétend restaurer, se construit collectivement, y compris avec les élèves. La cohésion des équipes est un passage obligé pour former des citoyens qui vivent ensemble. Et contre l’actuel contexte de fabrication de l’exclusion qui nourrit la violence, la lutte politique s’impose.

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