COMME DES POISSONS DANS L’EAU

Mis à jour le 26.09.25

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Dès le début de l’année, les CM1 de l’école de Sainte-Terre en Gironde débutent un cycle de natation.

« J’ai réussi à aller sous l’eau sans me boucher le nez ! Et dans le grand bain !» Pour Alicia, élève de l’école de Sainte-Terre en Gironde, cette première séance de savoir-nager a un air de victoire. Entrer dans l’eau, s’immerger pour faire des bulles, se mettre en étoile de mer, se déplacer sur le ventre et sur le dos…, les 26 élèves de CM1 passent l’évaluation de début de séquence à la piscine de Saint-Seurin-sur-l’Isle située à une vingtaine de kilomètres de l’école.

"Si ce n’est qu’une formalité pour les enfants qui ont déjà pris des cours de natation, ce n’est pas le cas du reste du grands-parents, explique Romy, mais elle ne fait qu’un mètre trente ! ». Sous le regard attentif d’Antoine Hirel, le chef de bassin, encouragée par son enseignante, Amélie Barcouzaraud, et prenant exemple sur ses camarades, Romy n’hésite pas longtemps avant d’entrer avec joie dans le grand bain. Dès la deuxième semaine de rentrée, tous les CM1 débutent le cycle de natation. « Je n’ai pas vraiment choisi ce créneau, se rappelle Amélie, mais quand cette piscine a rouvert au printemps dernier, j’ai sauté sur l’opportunité ».

La structure de taille modeste convient bien à l’enseignante : « Je voulais un espace sécurisant pour mes élèves. Ici, il n’y a pas trop de bruit, le bassin a peu de lignes d’eau et le plafond n’est pas trop haut. Cela aide les élèves à se repérer, à se sentir sereins ». Pour elle, aller à la piscine n’est pas une activité comme une autre et peut être anxiogène pour certains élèves. Et cette première séance montre qu’elle a fait le bon choix. Aurore Blanchard, l’intervenante extérieure bénévole qui a passé la séance dans le bassin à faible profondeur avec l’ensemble des élèves, en témoigne : « Tout le monde a beaucoup joué et ri. »

UNE COMPLÉMENTARITÉ NÉCESSAIRE

Le groupe semble très à l’aise dans le petit bain, mais il y a une grande disparité entre les élèves dans la maîtrise des compétences aquatiques. « Je dois faire au moins trois groupes pour avoir des eff ectifs réduits et permettre à tout le monde de progresser », explique l’enseignante, ravie de pouvoir compter sur le même maître-nageur sauveteur (MNS) sur l’ensemble des séances. Elle construit d’ailleurs le projet pédagogique en concertation avec lui avec une attention particulière aux élèves qui ne sont pas familiers avec les activités aquatiques.

“QUAND ON SAIT QUE CERTAINS NE SAVENT PAS SE DÉBROUILLER DANS L’EAU, C’EST LE RÔLE DE L’ÉCOLE DE LEUR APPRENDRE.”

Amélie se consacrera principalement à ce groupe qui a encore besoin d’être rassuré. « J’espère pouvoir les amener à valider l’aisance aquatique, voire aller un peu plus loin avec des déplacements sur une quinzaine de mètres. » Aurore et Antoine s’occuperont des autres élèves « Nous prévoyons un module de sauvetage aquatique : savoir quels gestes choisir lorsqu’il y a un problème, ramener quelqu’un au bord s’il n’est pas trop loin ou sortir et alerter selon les cas. » Ces séances compléteront le module « apprendre à porter secours » qu’Amélie mènera avec tous les CM1 lors de décloisonnements.

LUTTER CONTRE LES INÉGALITÉS

Consacrer onze après-midis au savoir nager est un vrai choix pour cette école en éducation prioritaire. La piscine du secteur a fermé il y a quinze ans et l’école doit désormais prévoir un transport d’une heure aller-retour pour mener ces apprentissages, ce qui pèse lourd dans les budgets. Mais c’est une priorité pour toute l’équipe enseignante et notamment Amélie. « Les inégalités entre nos élèves sont fortes et ils n’ont pas les mêmes ressources chez eux. Mais ils vivent tous sur le même territoire avec des lacs, des rivières et dans un département bordé par l’océan. Quand on sait que certains ne savent pas se débrouiller dans l’eau, c’est le rôle de l’école de leur apprendre ».

Alors, depuis cinq ans, elle regroupe les CM1 pour s’assurer qu’ils s’y rendent tous et organise son emploi du temps pour mener à bien cette activité chronophage. « Cela m’oblige à faire des choix dans ma programmation. J'intensifierai plus tard dans l’année des enseignements comme l’histoire, la géographie ou les sciences ». Les parents, prévenus dès la fin de l’année scolaire précédente, se sont organisés pour que les enfants aient tous leur tenue à la rentrée et sont ravis. « Ma fille, qui était en CM1 l’an dernier, avait peur de l’eau au début des séances, se rappelle Aurore, l’accompagnante. Cet été, elle était très fière de pouvoir montrer comme elle est à l’aise maintenant ! ».

Interview de Dominique Droulout-Toulemonde

DOMINIQUE DROULOUT-TOULEMONDE, est CPD* EPS Gironde

Dominique Droulout Toulemonde crédit photo : DR

QUELS ENJEUX LIÉS AU SAVOIR-NAGER ?

C’est une priorité nationale liée à la nécessité de réduire le risque de noyade. L’enfant doit apprendre à appréhender ce milieu inhabituel, savoir sortir de l’eau mais aussi y être à l’aise. L’une des priorités de l’aisance aquatique est de lever les appréhensions et construire la notion de « corps flottant ». Les activités aquatiques offrent aussi des occasions d’apprentissages très riches pour s’entraider, se motiver et enrichir les pratiques entre pairs. Il y a enfin une question d’égalité et de gratuité dans l’accès au savoir-nager. L’école doit s’assurer que tous les élèves en bénéficient quel que soit leur milieu afin que les élèves obtiennent les attestations permettant d’accéder à d’autres activités nautiques. Ce n’est hélas pas le cas sur l’ensemble du territoire.

QUELLES DIFFICULTÉS POUR LES PE ? COMMENT LES DÉPASSER ?

Les PE ont une formation initiale trop courte et se sentent souvent incompétents face aux maîtres-nageurs sauveteurs (MNS). Or, ce sont eux les pédagogues, qui connaissent leurs élèves et peuvent les amener à analyser ce qui se passe, proposer des remédiations. Une formation est indispensable ainsi que des temps de travail en commun avec les MNS pour construire un projet pédagogique cohérent. Un travail de conviction de l’Éducation nationale à l’attention des communes et des piscines sur l’importance de ces apprentissages en milieu scolaire est aussi à mener.

*Conseillère pédagogique départementale

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