“Enseigner des savoirs qui donnent à penser”
Mis à jour le 20.06.25
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3 questions à Denis Paget
DENIS PAGET est ancien membre du Conseil supérieur des programmes et auteur de l’ouvrage "Ce que l’école devrait apprendre à tous. Se connaître, s’ouvrir, se relier”, Éd. du croquant, 2024.
QUELLE EST LA PHILOSOPHIE DES NOUVEAUX PROGRAMMES
Des objectifs d’apprentissage sont ciblés et les exemples de réussite donnés ne visent que les élèves qui réussissent. Les perspectives normatives laissent complètement de côté toutes les difficultés de la classe, comme faire apprendre des savoirs parfois très complexes à des élèves plus lents ou qui rencontrent des difficultés. Les programmes sont rédigés pour des élèves imaginaires qui avancent tous au même rythme. Une source d’échec pour toute une partie de la population scolaire car les élèves qui ont du mal à apprendre ont besoin de plus de temps et d’explications. Une grande partie des prescriptions est aussi liée aux formes de tests des évaluations internationales comme par exemple la fluence… Un apprentissage qui ne dit pas grand-chose sur la capacité de l’élève à comprendre ce qu’il lit.
QUELLE CONCEPTION DU MÉTIER ENSEIGNANT CELA TRADUIT-IL ?
Les nouveaux programmes comme le projet de nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture, traduisent la volonté ministérielle d’intervenir très fortement sur le métier enseignant. Non seulement les PE doivent mener de front un empilement de savoirs à faire acquérir aux élèves : programmes disciplinaires, “éducations à”, parcours et compétences psychosociales, mais les programmes, pléthoriques et injonctifs, laissent peu d’espace à la créativité enseignante. Un millefeuille où l’enseignant est considéré comme un exécutant qui doit atteindre des objectifs quel qu’en soit le prix. Les enseignants sont mis dans une situation très culpabilisante. Rien qui puisse rassurer la profession sur sa capacité à surmonter les difficultés auxquelles elle se trouve confrontée dans le réel de la classe.
QUE FAIRE?
Soit l’enseignant reste seul dans sa classe face aux injonctions des programmes et aux
difficultés qu’il rencontre et se replie sur lui, soit les enseignants résistent ensemble en menant entre eux des débats sur ce qui pose problème ou pas, sur la façon de contourner les difficultés ou de mieux faire réussir les élèves. Un travail collectif qui rassure. Mais il importe surtout de revoir ce qui doit être enseigné à l’école. Cela implique de se mettre d’accord sur le type de personne que l’école veut construire en partant des enjeux d’aujourd’hui et de demain : enseigner des savoirs qui donnent à penser, à réfléchir et qui invitent à s’ouvrir et se relier dans un monde culturel qui ne s’arrête plus aux frontières.