“La baisse de la démographie scolaire est une opportunité”

Mis à jour le 26.09.25

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Marie Duru-Bellat est professeure émérite de sociologie à l’Institut politique de Paris

QUELS EFFETS PRODUIT LA BAISSE DES EFFECTIFS ?

Baisser les effectifs en classe est indiscutablement un levier de réduction des inégalités scolaires. Encore faut-il choisir le public bénéficiaire. Le premier degré en France se caractérise par moins d’argent public par élève, des classes parmi les plus chargées par rapport aux pays européens et un isolement des enseignants dans la classe. De quoi se demander s’il faut agir uniquement sur le nombre d’enseignants en classe ou renforcer les équipes enseignantes par la présence d’autres adultes, en particulier pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

Il faut réfléchir à comment intervenir auprès des élèves en classe mais aussi hors la classe pour qu’ils aient plus d’adultes autour d’eux à l’école. Toutes les recherches pointent que le nombre d’adultes prenant en charge les enfants est extrêmement important pour leur réussite et leur développement.

ET SUR LES PRATIQUES ENSEIGNANTES ?

Les conséquences de la baisse des effectifs sur les apprentissages sont à moduler selon le niveau d'enseignement. En moyenne, ça n’a pas d’impact très visible dans le secondaire. Par contre, en primaire notamment en contextes défavorisés, des études précises ont démontré que les effets étaient significatifs, mais sans automaticité. Enseigner de la même façon avec moins d’élèves ne produit rien de spectaculaire. Les effets positifs dépendent de l’adaptation des pratiques enseignantes à l'effectif réduit.

Selon les évaluations internationales PISA, les enseignants français sont ceux qui passent le plus de temps à organiser la discipline. L’enquête Talis rapporte également qu’ils ont du mal à appréhender l’hétérogénéité des élèves. Réduire la taille de la classe apporte des solutions à ces difficultés. La recherche en psychologie sociale documente, par ailleurs, le bénéfice que tirent les élèves de la confrontation aux procédures et aux raisonnements des autres élèves à travers le conflit sociocognitif. Mobiliser ces interactions entre élèves n’est pas facile à mettre en œuvre en grand groupe, avec une forte hétérogénéité. C’est donc une piste à explorer en groupe restreint.

“C’est bien au départ de la scolarité que les investissements sont les plus efficaces pour l’avenir.”

OÙ PORTER LES EFFORTS ?

L’école française se caractérise par un accroissement des écarts entre élèves depuis leur entrée à l’école élémentaire jusqu’à la mesure de leurs acquis à 15 ans. C’est pourquoi il importe de privilégier les zones où se concentrent le plus de difficultés. L’hétérogénéité de moyens au sein du système éducatif est un des facteurs qui pèsent le plus sur les inégalités scolaires. La Cour des comptes pointe régulièrement que les écoles de banlieue sont moins bien dotées que celles de Paris intra-muros. Les inégalités sont très fortes en termes d’expérience, de statut des personnels affectés ou de moyens de remplacement.

Les élèves qui éprouvent le plus de difficultés ont moins d’heures d'enseignement. C’est un paradoxe dans notre système centralisé, présumé uniformisé, ce qui d’après les études internationales, est plutôt un gage de justice sociale. Les pays qui ont beaucoup décentralisé, y compris en ouvrant au privé comme la Suède, ont vu progresser les inégalités. Les écarts entre écoles appellent donc des politiques de compensation.

QUELS CHOIX FACE AU RECUL DÉMOGRAPHIQUE ?

La baisse de la démographie scolaire est une opportunité si on prend les bonnes mesures. Dépenser plus ne signifie pas forcément faire mieux. Il faut savoir où mettre les moyens pour les diriger vers les dispositifs ou les actions efficaces. Tous les économistes disent que dépenser pour l’éducation est un investissement. Mais c’est particulièrement vrai si on cible la scolarité primaire.

Les statistiques des journées d’appel à la défense pointent qu’un jeune de 18 ans sur cinq ne lit pas correctement, ce qui montre à quel point les premiers apprentissages sont décisifs pour la suite du parcours de l’élève. C’est bien au départ de la scolarité que les investissements sont les plus efficaces pour l’avenir. La grande question actuelle est aussi celle de l’attractivité du métier enseignant. Si le salaire entre en jeu, il faut aussi agir sur les conditions de travail, la formation et l’affectation des enseignants.

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